15___txt/15--cip5 Martian AYME de LYON/Peintre et graveur
L'ART DOIT-IL FAIRE ÉVÉNEMENT ? (2008)
L'ART DOIT-IL FAIRE
 ÉVÉNEMENT ?
BLOC-NOTES, n° 262,
janvier 2008, p. 23
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À Lyon, le 5ème CIPAC...

L'ART DOIT-IL FAIRE ÉVÉNEMENT ?


Deux jours entiers au banquet du CIPAC (Congrès interprofessionnel de l'art contemporain) les 29 et 30 novembre, et une digestion étonnamment mitigée.

Le menu tel qu'énoncé dans la présentation du programme des tables rondes était alléchant : "... La traditionnelle exigence de partage démocratique... des oeuvres s'est vue progressivement doublée par une demande de visibilité et de rentabilité... Cet impératif du "faire événement" conditionne désormais bien souvent le fonctionnement des stuctures artistiques..."

N'ayant pas le don d'ubiquité nous n'avons pu nous "inviter" qu'à 4 tables (sur 18). Sur la vingtaine d'intervenants que nous avons entendus, seuls 3 ont été vraiment à la hauteur de nos appétits pour la qualité de leur analyse des problèmes RÉELS qui se posent à TOUS les acteurs de la chaîne de l'Art contemporain. Pour les autres nous sommes passés d'une gourmandise certaine lorsque de trop rares responsables de structures ont critiqué les "véritables" dispositifs d'exercice de pouvoir - de remplissage de cerveaux tenus pour vides - trop souvent mis en place entre le couple artiste-oeuvre et le public en lieu et place d'un authentique accès à une information vierge de tout à priori, critiqué les contraintes absolues de visibilité et de rentabilité qu'ils craignent voir, à très court terme, devenir l'unique norme de leur "mission", à d'agaçants haut-le-coeur devant le manque de goût de certaines soupes nombrilesques assaisonnées d'auto promotion.

Pour nous, quel comble que les 3 intervenants les plus éminemment dignes d'avoir pris la parole aient été 2 philosophes et une élue et que les "institutionnels" ouverts aux problèmes RÉELS qui se posent à TOUS soient apparus si rares !

Insipides trop souvent, les interventions, et le débat, quand il a eu lieu, nous ont cependant réservé quelques roboratives surprises. Nous avons apprécié que d'aucuns osent affirmer à plusieurs reprises que la création au présent ne peut se concevoir sans une connaissance du passé ; craindre que nous ne soyons déjà terriblement avancés sur le chemin qui mène "... de la culture à l'industrie culturelle..." qui privilégie "... le spectacle..." au détriment de "... la diffusion lente..." ; regretter que trop souvent aujourd'hui l'on "... crée le contenu dans l'événement, et non l'événement autour du contenu..." et que "... [le] faire savoir est devenu plus important que [le] faire..."

La communication de synthèse, faite par un artiste (tiens tiens !), nous a quelque peu redonné foi en ce genre de manifestation (pour les tables rondes auxquelles nous avons assisté elle a été sincère) et elle a eu le mérite d'être simple et claire, le mérite aussi d'être présentée sous forme de questions, et à ce titre nous espérons qu'elle sera bientôt disponible pour tous en imprimé et sur Internet (www.cipac.net) ; questions nombreuses et essentielles, vraies questions qui se posent aujourd'hui à tous ceux qui ne font pas que "... l'espace du regard est rempli de paroles...", et non prêche prônant de fausses conclusions pré-établies par ceux qui sont incapables d'entendre cette phrase, pour nous cruciale, prononcée par un intervenant : "On ne sait pas aujourd'hui ce dont nos descendants auront besoin pour se comprendre eux-mêmes.", phrase qui pour nous résume ce qui devrait sous-tendre toute réflexion relative à l'art contemporain.

Nous nous serions presque pris à rêver.

Mais lorsqu'un certain P. B. dans un des discours de clôture, parlant de tout ce qui est fait pour tous les artistes d'aujourd'hui, donc par définition "contemporains", définit l'artiste contemporain comme "... artiste utilisant les médiums de l'art contemporain..." il nous déclare poliment que les problèmes RÉELS qui se posent à TOUS ne sont guère d'actualité...

Avec ça nous sommes bien avancés !

Notre cauchemar continue...


Martian AYME (décembre 2007)