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TYPOGRAPHIE/Martian AYME de LYON/Peintre et Graveur
TYPOGRAPHIE (Mise à jour en cours...)

Martian AYME et la TYPOGRAPHIE
Aux corps d'un texte qui se génère et s'invente répond l'image d'un corps qui se grave, s'imprime et se transforme.

C'est vers 1965 que Martian AYME a commencé à s'intéresser au matériel d'imprimerie ancien, presse lithographique et pierres d'abord, caractères d'imprimerie ensuite, et presse à épreuve pour imprimer bientôt ses propres textes.
La pratique aidant, l'artiste s'est laissé porter par l'encre, les mots, la lettre et le papier ; rouleau, presse, encrage ; le noir, le blanc, la page et l'autour de la page au rythme des feuillets ; caractères, illustration, gravures...
En 2000, par la force des choses il en est arrivé à reprendre l'impression d'un de ses textes en développant sa mise en place dans l'espace du livre par approximations successives ; c'est de ce travail qu'a surgi le projet du Je[u] Typographique
dont il est question ici.
On trouvera ci-dessous une analyse de la progression des trois premiers opus.


La reproduction complète de chacun se trouve, pour des raisons évidentes, au chapitre "PUBLICATIONS" que chaque vignette de couverture permet d'atteindre.
De même, chaque vignette de double page donne directement accès à une image à l'échelle 1/1, avec pour certaines des détails agrandis dans un rapport qui peut atteindre 20/1.

Le... Je[u] Typographique.
Bruit léger
Premier corps 10 mi-gras sur forme en grise esquisse 16 gras, il se dérobe... 24 gras, portulan noir des sens, où le désir se perd... 36 gras, plus noire encore sa vérité que sont les corps, que sont les draps... 

Les mots de plus en plus s'imposent... Mais inscrits en pages aux lignes qui débordent... 36... 24... au jeu des apparences le 10 est trop petit... alors en 16 peut-être, mais pas le gras. Face au trait seul, cinq lignes, capitales en tête, enfin... juste avant que ne s'encrent le corps, les draps, la for
me noire, dans la nuit le silence ; corps 10, encre blanche et le blanc du papier... Où est le texte, où sont les mots ; où est le bruit sur le papier...



Sous le corps nu
C'est le deuxième Je[u] Typographique. Le premier où la page commande, caractères en corps croissant et imposition vers à vers d'abord, à s'interrompre ensuite, lecture abruptement cassée, pour s'accorder enfin en texte entier que le lecteur lentement a pu ainsi s'approprier. Ici ce ne sont plus les pages qui commandent, mais à travers leur suite la succession des feuillets : les lignes en rejet, corps 36 gras, enjambant de page en page jusqu'à chacune son terme, texte lisible ; cinq pages qu'une seule ne peut contenir...

Corps trop gros... Réduire, corps 24 gras, réduire encore 16 gras... Tentatives de mises en pages qui se succèdent, jeu d'espaces trop grandes,
16 mi-gras... Texte installé sur la médiane horizontale (page 26), justifié à gauche sur sa page, blanche, noir, face au dessin qui met en jeu au noir le blanc du trait, le blanc du papier... Pour aussitôt après, ultime épure, comme en point final, suggérer, en bas à droite en une toute autre mise en page, que l'esprit étant constitué la lettre peut s'estomper...

À chaque page, à chaque double page, s'enchaîne la suivante comme elle a relayé la précédente ; à partir de la page première la séquence en sa retenue, distillée, mène par lenteur en haltes successives le lecteur jusqu'à
l'imprégnation : le texte peut enfin se perdre dans le papier.



Quelconque
Ou comment prend forme, ou se forge - encore que pour le plomb "se fond" serait plus juste - le texte imprimé à partir des éléments dont il s'origine, à savoir l'ensemble des caractères, lettres et ponctuation nécessaires à l'impression du livre, en un complet désordre initial dont l'organisation sera lentement entraînée par le simple effet de l'avancement de la composition.

En ce troisième opus texte et images gravées cohabitent sur le territoire commun de l'ensemble des pages. Plus court que les précédents : 24 pages, contre 28 et 32 respectivement; il est aussi bien plus dense : 53 passages sous la presse, contre 29 et 36.
Ce qu'il est convenu d'appeler illustration est ici en fait la substance de toutes les pages, jusqu'à n'être page 13 que
fond noir sous lettres noires (que seule une vision rasante jouant sur les reflets ou un effet de contraste ajouté à la seconde vignette permet de déchiffrer). Elle ne fait plus appel au trait en soi, sous forme de cliché typographique soutenu par des aires linogravées, mais dépend entièrement de ces aires même aux formes à peine évoquées. Les champs de noir et de gris homogènes superposés par le jeu de soustractions d'encre (dont le détail de 3,5 x 3,5 cm de la page 9, ici à gauche, montre comment, selon sa densité sur la plaque, l'encre résiduelle pénètre plus ou moins entre les fibres du papier) auxquels peut s'ajouter ailleurs le ton soutenu, mais modulé par la pression d'une encre au blanc caractéristiques si différent de celui du papier, comme on le voit ici à droite sur le détail de 3 x 3 cm de la page 12, ou plus transparent sur l'exemple suivant.

Ce dernier détail de 0,8 x 0,8 cm de la page 20, agrandi vingt fois, montre combien
le rouleau encreur à peine chargé permet une impression plus légère qui réagit différemment sur l'encre déjà sèche, et sur le papier vierge absorbant dont on distingue les fibres. Les caractères, lettres et ponctuation donnés au départ ont tous été utilisés, par bribes, et donc déjà lus ils n'ont besoin que d'être évoqués : le texte est déjà écrit.

Le texte s'est extrait de la gangue indisciplinée de ses signes constitutifs ; tandis que la réserve des signes s'épuise, les mots prennent forme, jusqu'à ce que les [trois] phrases le composant se soient développées ; sur les fonds successifs et les motifs linogravés le texte s'est lentement inscrit en noir, blanc ou gris, le temps de s'instiller en l'esprit du lecteur. En son développement parcellisé,
une autre lecture s'est mise en place.


Cette Indolence
Ce Lit Trouble
Liberté
feront par la suite l'objet d'une analyse détaillée