02___bib/02-cpm87 Martian AYME de LYON/Peintre et graveur
CPM Magazine (nov.-déc. 1987)
CPM Magazine
Par Catherine SÉE
CPM Magazine N° 15 (3è année)
Nov/Décembre 1987 - Pages 32,33,34)


RENCONTRE
avec Martian AYME

Novembre 1987



Martian AYME, vous connaissez ?

Certains connaissent son nom par CPM où il apparaît déjà en couleur dans le N° 1, certains par le NEUDIN, depuis celui de 1980 où l'on trouve sa première publicité présentant sa première série, certains par d'autres revues peut-être...

Bien peu l'ont rencontré en dehors de sa région, car il se montre peu, ce en quoi nous pensons qu'il a tort, mais c'est un choix qu'il a fait et que nous respectons ; nous en reparlerons plus loin.


Ses cartes, comment les décrire ?

Elle sont "différentes". Pour le bien comprendre il faut avoir observé la panique de bon nombre de collectionneurs de CPA passant devant son stand, l'incompréhension de certains collectionneurs de CPM qui voient ses cartes pour la première fois. Il faut l'avoir écouté lorsqu'il explique patiemment aux enfants, adolescents ou adultes qui ont l'esprit curieux de ce qu'ils ne connaissent pas, les arcanes des nombreuses techniques qu'il pratique.

Prendre la dimension de ses cartes et de leur "différence", c'est se rendre compte que chacune d'entre elles résulte de la conjugaison heureuse d'un long travail de réflexion, et d'un « patient labeur artisanal. C'est en cela qu'elles sont de véritables créations, et leur auteur qui connaît le poids des mots tient à être considéré comme créateur, et non comme illustrateur. Simple coquetterie d'artiste ? Non ! Exacte conscience de ce qu'il est.

Mais au fond qui est Martian AYME ?

Nous avons ici besoin de quelques repères biographiques. Hormis deux séjours d'un an en Angleterre, et trois années passées en Lorraine, il vit depuis cinquante ans à Lyon où il enseigne, l'enseignement étant pour lui, à la fois, le creuset incessant de rencontres multiples, et l'assurance matérielle d'une liberté à laquelle il est viscéralement attaché, et sans laquelle il affirme que toute création est impossible.

C'est cette volonté de liberté exclusive qui lui a fait décider, au moment des choix majeurs, de se refuser à "subir" les Beaux-Arts, pour entreprendre des études universitaires de langues. C'était un pari dangereux, mais il a su le gagner ; il le gagne chaque jour, depuis qu'il a commencé à peindre et à dessiner.

Je ne puis à ce stade, que reprendre tel quel le court texte que j'avais écrit en 1985 pour le catalogue de son exposition PETITS ET GRANDS FORMATS : "Martian AYME ou la Carte Postale considérée comme l’un .des Beaux Arts.

« Hors des mille tourbillons de la mode, c ‘est en solitaire que Martian AYME conduit depuis bientôt trente ans une œuvre qui suit intraitablement la voie de la recherche fondamentale et de l'expression humaniste.

Cette œuvre dense - et secrète - ne paraît superficielle qu'aux désinvoltes de tous bords. Aux autres, qui adhèrent aux jeux élaborés de la sensibilité et de l'épure, elle se révèle dans toute sa richesse.

Martian AYME s'est toujours peu montré, préférant le travail créatif à l'exposition et au temps perdu... Et pourtant n'est-il pas nécessaire à une œuvre plastique d'être montrée, et "regardée", touchée, échangée, vendue, pour qu'elle prenne sa pleine et juste portée ?

En alternative du marché de l'art la Carte Postale lui est apparue comme le moyen de diffusion qu'il attendait depuis longtemps ; il lui a apporté la qualité de la recherche intransigeante du créateur, et la marque précieuse de l'œuvre originale, cultivant le vaste éventail des techniques éprouvées, en défrichant d'autres. La Carte Postale est, chez lui, devenue terre d'expérimentation et de création.

Juste retour des choses, ses "petites" cartes, que Martian A YME avait pris l'habitude de présenter dans les manifestations cartophiles, il peut aujourd'hui, grâce à Paul MOURADIAN. les montrer dans une galerie, en même temps, et au même titre que ses gravures et ses dessins qui, surprise, n'ont jamais été aussi grands !

Martian AYME, ou la Carte Postale considérée comme l'un des Beaux Arts...., son catalogue, qui s'étoffe au fil des ans, l'affirme sans réserve."

Son catalogue composé à l'époque de quelques feuilles polycopiées, sera bientôt une réalité plus tangible. Martian AYME a commencé à y travailler : il en prépare l'édition, qui sera composée et imprimée en typographie, par lui-même, à la main, sur ses presses !

On y apprendra que si sa première carte date de 1967, il a vraiment commencé à travailler pour la CP en 1979, et que fin 1987 il aura édité cent trente-six cartes.

On y trouvera de précieux descriptifs de celles-ci, des renseignements sur les techniques utilisées, sur les tirages...

Les techniques qu'il utilise ont, dans sa production, une grande importance : chaque carte, ou série de cartes, nécessite en général le recours à plusieurs techniques bien spécifiques. Martian AYME va jusqu'à expérimenter directement sur ses presses, en fonction des exigences de sa création : peaufinant les couleurs, chinoisant sur la mise en page, raffinant sur les matières, au cours de multiples essais à partir desquels il finira par sélectionner les quelques cartes qu'il exécutera pour les mettre en vente.

C’est là que réside l’une des différences majeures entre ses cartes et tant d’autres du commerce, éditées à la « va comme j’te dessine, faut bien courir après la mode » !

Martian AYME prend le temps et les moyens de garder la maîtrise totale de son travail à tous les stades.

Lorsqu'il fait une série de bois gravés, chaque carte est imprimée par lui, à la main, directement à partir de bois originaux qu'il a gravés lui-même d'après un dessin, original lui aussi, «auquel il a pu travailler à diverses reprises sur plusieurs années.

Lorsqu'il fait un collage, chaque CP est un vrai collage, qu'il fait à la main, et non une reproduction.

Lorsque l'on a compris cela, il devient évident que les prix auxquels il vend ses cartes sont parfaitement justifiés, pour ne pas dire dérisoires ! Où trouver des bois originaux à 10,00 F, des lithographies originales en quatre couleurs à 30,00 F, ou des gravures-collages entre 20,00 F et 70,00 F.

Face aux éditeurs qui produisent les CP plus ou moins bien, ou mal, dessinées et imprimées que l'on trouve un peu partout, et auxquelles beaucoup d'acheteurs peu avertis des "dessous" de la carte contemporaine finissent par s'habituer, il en existe fort heureusement de très sérieux, et parmi eux "une poignée de véritables créateurs", artistes de longue ou de moins longue date, qui travaillent dans le secret de leurs ateliers respectifs à des œuvres personnelles et fortes.

Bien sûr leurs cartes ne ressemblent pas à ce que l'on voit habituellement.

Bien sûr il faut apprendre à percevoir la différence entre l'apparence tapageuse, ou le vide esthétique, et la création véritable. Mais collectionner, ce n'est pas acheter tout et n'importe quoi, à n'importe quel prix !

Collectionner, c'est d'abord choisir.

Choisir selon ses goûts, sans s'occuper des remous de la mode. N'est-ce pas ensuite, et plus encore, apprendre à mieux choisir, en découvrant les vrais créateurs.

Les vrais créateurs existent : ils sont peintres, photographes, graphistes... Martian AYME est l'un d'eux, et comme eux il est discret. Ils travaillent avec passion et compétence pour ceux qui sauront s'ouvrir à leurs travaux. Ils travaillent pour vous, collectionneurs, qui saurez les faire sortir de l'ombre où ils ont trop tendance à se retirer pour travailler en paix. C'est à vous de les encourager par l'intérêt que vous porterez à leurs œuvres ; c'est vous qui leur permettrez ainsi de progresser encore.

Catherine SÉE